Assistants vocaux : quels risques pour votre vie privée ?

Au fil des ans, les assistants vocaux, comme Google Home ou Siri, intègrent notre quotidien. Mais si leur usage peut sembler pratique, et presque banal, qu'en est-il des données que nous partageons à voix haute ? Existe-t-il des risques pour notre vie privée ?

Ross Helen/Getty

Appeler son assistant vocal, pour connaître la météo, son planning, ou faire une rapide recherche devient usuel. L’outil, à travers un smartphone ou une enceinte intelligente, s’est intégré à nos journées et nos besoins. Au point d’oublier parfois que nous livrons aussi une part de notre vie privée. Est-ce un problème ? Julia Velkovska, chercheuse en sociologie, et Moustafa Zouïnar, chercheur ergonome, tous deux experts chez Orange, nous éclairent. 

Assistants vocaux : un usage du quotidien devenu très pratique

Pas à pas, les assistants vocaux intègrent notre quotidien. Si l'usage d’enceintes intelligentes reste encore marginal en France, les assistants vocaux dont sont dotés nos téléphones et nos écrans, en revanche, nous servent déjà beaucoup. « Aujourd'hui, les usages les plus fréquents avec les téléphones dotés d’assistants vocaux sont : écouter de la musique, s’informer (actualité, météo), se divertir, faire des recherches ou encore passer des commandes », souligne Moustafa Zouïnar. Au sein du foyer, les assistants vocaux servent également à simplifier le contrôle des objets connectés. Un usage plus marqué aux USA qu'en Europe, même s'il fait son chemin. « L'utilisabilité et la facilité d'utilisation restent à améliorer », concède Julia Velkovska.

Quels sont les risques et défis éthiques de ces assistants ?

Les assistants vocaux offrent ainsi une expérience simplifiée du quotidien. Ils ne sont toutefois pas dénués de risques, comme tout outil numérique dont le fonctionnement dépend de nos données. Selon les experts, plusieurs « failles » peuvent nous inviter à repenser notre usage.

Une fiabilité des informations approximative

La fiabilité des informations dans le cadre de l’utilisation des assistants vocaux n’est pas totalement assurée. Leurs réponses sont générées à partir d’algorithmes qui ne garantissent pas toujours la véracité des informations. Ces objets connectés peuvent parfois donner des réponses incomplètes ou biaisées en fonction des sources utilisées. « Ces systèmes sont présentés comme étant capables de donner une conversation, une interaction naturelle avec les utilisateurs. Dans la réalité, ce n'est pas encore le cas, contrairement à ce que prétendent les discours promotionnels », souligne Julia Velkovska.

Une interrogation quant aux données collectées

De plus, chaque demande que nous formulons laisse des traces. « Les interactions avec ces systèmes sont transcrites en données textuelles. C'est grâce au traitement textuel que le système trouve une réponse à vous renvoyer », explique l'experte. Nous laissons donc des traces numériques, malgré nous (opinions politiques, habitudes de consommation, etc.), ce qui peut soulever des questions de confidentialité et donc de sécurité des données.

Et cette problématique est plus que jamais d’actualité. Récemment, Apple a été visé par une plainte en France pour des pratiques jugées intrusives concernant l’enregistrement des conversations par Siri. Selon l’Association européenne pour la défense des droits numériques (NOYB), l’entreprise n’aurait pas obtenu de consentement explicite pour la collecte et l’analyse des enregistrements vocaux. Ce signalement met en lumière un problème majeur : les assistants vocaux ne se contentent pas d’écouter lorsqu’on les sollicite, ils peuvent aussi capter des conversations privées à notre insu. Une situation qui illustre parfaitement les préoccupations des experts en protection des données et interroge sur la transparence des géants de la tech.

Ce n'est pas tout. Pour être efficaces et réagir en termes de mots-clés, ces assistants vocaux restent « en captation » de manière permanente, capables de capter vos conversations sensibles à proximité. « Et on ne sait pas où vont les données collectées, comment elles sont stockées. »

Heureusement, en Europe, les données numériques sont normalement protégées, notamment par le DSA, le Digital Services Act (un règlement européen sur les services numériques) et l'IA Act depuis 2024. Celui-ci identifie les bots et assistants vocaux comme étant du troisième niveau du risque, soit un « risque acceptable ». « Mais ces règlements ne s'appliquent pas partout, et surtout, ils ne sont pas infaillibles », poursuit la chercheuse.

Un risque de piratage toujours présent

Enfin, comme tout objet connecté, les enceintes vocales peuvent techniquement être ciblées par des hackers. Ainsi, un assistant mal sécurisé pourrait permettre à un attaquant d’accéder aux données personnelles ou d’activer certaines commandes à distance. Ce n'est pas forcément ce qui se passe, mais cela reste une possibilité.

Comment se protéger ?

Pour Moustafa Zouïnar, ces assistants vocaux illustrent parfaitement ce que les experts appellent « le paradoxe de la vie privée ». « Les utilisateurs d'enceintes connectées montrent majoritairement de l'inquiétude pour leur vie privée et leurs données. Par contre, ils vont persévérer à utiliser ces assistants sans mettre en place des pratiques de protection », relève-t-il. Pourquoi ? En grande partie à cause du manque de connaissance, ou d'aisance.

Si les deux experts s'accordent à dire que c’est la responsabilité des sociétés de faire preuve de transparence et de pédagogie envers les consommateurs, Julia Velkovska précise : « Le premier conseil pour se protéger serait donc d'avoir une réelle éducation numérique, face au manque de transparence de ces assistants et de s'interroger sur leur fonctionnement. »

Des actions concrètes peuvent être mises en place dès lors qu'on a recours à ces assistants :

  • Désactiver l’activation automatique et utiliser un bouton physique si possible.
  • Vérifier les paramètres de confidentialité et limiter la conservation des enregistrements vocaux.
  • Éviter de partager des informations sensibles via l’appareil.
  • Mettre régulièrement à jour les logiciels pour corriger d’éventuelles failles de sécurité.
  • Utiliser un réseau Wi-Fi sécurisé avec un mot de passe robuste.

Des actions qui exigent un léger effort, mais qui contribuent à mieux protéger sa vie privée.

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