Dans un monde numérique où nos conversations les plus privées transitent par des réseaux mondiaux, les messageries chiffrées promettent de protéger nos échanges contre les regards indiscrets. Mais derrière ces promesses de confidentialité se cachent des nuances importantes que tout utilisateur averti devrait connaître.
À l'heure où fuites de données et surveillance massive font la une des journaux, protéger ses communications numériques représente un enjeu essentiel. WhatsApp, Signal, Telegram... Ces applications séduisent par leur promesse apparemment simple : vos messages ne peuvent être lus que par vous et leur destinataire. Mais cette protection est-elle véritablement infaillible ?
Comment fonctionne le chiffrement de bout en bout
Le chiffrement de bout en bout constitue aujourd'hui la référence en matière de sécurité des communications. Son principe est simple : votre message est transformé en code chiffré avant même de quitter votre appareil. Seul le téléphone du destinataire possède la clé permettant de le déchiffrer. Ainsi, même l'entreprise gérant l'application ne peut théoriquement pas accéder au contenu de vos conversations.
Cette technologie utilise un système de clés publiques et privées garantissant que vos messages restent indéchiffrables durant leur transport. Les serveurs transmettent simplement ces données codées sans jamais pouvoir en comprendre le contenu.
Chiffrer et non crypter : une nuance importante
En français, la distinction entre « chiffrer » et « crypter » est significative. Le terme « chiffrer » désigne l'action de transformer un message en code secret avec l'intention de pouvoir le déchiffrer ultérieurement. À l'inverse, « crypter » supposerait que l'on code un message sans prévoir de moyen pour le décoder, ce qui serait contre-productif pour une messagerie. L'ANSSI considère d'ailleurs le terme « cryptage » comme incorrect dans ce contexte. Retenons donc qu'on chiffre un message pour qu'il puisse être déchiffré par son destinataire légitime.
Comparatif des principales messageries
La plateforme Signal est souvent citée pour son approche radicale de la confidentialité. Cette application open source minimise la collecte de métadonnées et propose un protocole de chiffrement réputé pour sa robustesse. Cependant, contrairement à une idée répandue, l'ANSSI ne recommande pas explicitement Signal pour les échanges sensibles en contexte professionnel ou gouvernemental. Bien que reconnaissant ses qualités techniques et son protocole éprouvé, l'agence souligne qu'aucune messagerie grand public ne garantit une confidentialité totale. Une circulaire gouvernementale française a même demandé aux ministres de privilégier des solutions spécifiquement auditées par l'ANSSI, comme l'application française Olvid, qui présente l'avantage de ne pas nécessiter de numéro de téléphone et qui est certifiée par l'ANSSI.
WhatsApp, bien que proposant un chiffrement de bout en bout basé sur le protocole Signal, appartient à Meta (Facebook). L'application collecte davantage de métadonnées et les partage au sein de l'écosystème Meta, soulevant des questions sur la confidentialité réelle offerte.
L’application Telegram, quant à elle, n'active pas le chiffrement de bout en bout par défaut. Seuls les « chats secrets » bénéficient de cette protection, ce qui crée une confusion fréquente chez les utilisateurs pensant que toutes leurs conversations sont sécurisées.
Les critères essentiels pour choisir sa messagerie
- Pour identifier l'application la plus fiable, renseignez vous pour savoir si le code source de celle-ci est ouvert (open source). Régulièrement audité par des experts indépendants, cette transparence au niveau du code constitue un gage de sérieux.
- Examinez ensuite la politique de collecte de données des plateformes en question (ici l’exemple de WhatsApp). Même avec un chiffrement performant, certaines applications recueillent des métadonnées précieuses pour établir votre profil d'utilisateur.
- Méfiez-vous des messageries proposant des sauvegardes dans le cloud sans chiffrement adéquat, créant ainsi un point de vulnérabilité majeur.
Renforcer sa sécurité au quotidien
Au-delà du choix de l'application, quelques gestes simples renforcent considérablement votre sécurité.
- L’authentification à deux facteurs
Activez systématiquement l'authentification à deux facteurs quand elle est disponible. Cette fonctionnalité ajoute une couche de protection empêchant l'accès à votre compte, même en cas de compromission de votre mot de passe, comme le conseille l'ANSSI dans son guide sur l'authentification multifacteur. - La clé de chiffrement
Les applications de messagerie comme Signal ou WhatsApp utilisent une clé de chiffrement unique par contact pour garantir que seuls vous et votre interlocuteur pouvez lire les messages.
Dans les paramètres de la conversation, la fonction “Chiffrement” vous permet de partager un QR code ou un code alphanumérique. Si elle correspond bien entre vos deux téléphones, vous êtes assuré de parler à la bonne personne. - Les messages éphémères
Paramétrez la disparition automatique des messages après lecture pour les conversations sensibles, dans les options de votre conversation, limitant ainsi la durée pendant laquelle vos échanges peuvent être compromis.
Dans ce paysage complexe, aucune solution n'offre une sécurité absolue. Le chiffrement de bout en bout représente une avancée majeure, mais reste tributaire de nombreux facteurs. Il faut donc adopter une approche globale de sa sécurité numérique, combinant outils techniques et vigilance personnelle.