Emma, victime de fausse annonce immobilière : “Je craignais de rater l'appartement de mes rêves”
Emma, la trentaine, s'en souvient comme si c'était hier. Il y a quelque temps, alors qu'elle était à la recherche d'un appartement dans les environs de Nice, sur la Côte d'Azur, elle répond à une offre dont les photos sont très alléchantes, sur un site de petites annonces. Rapidement, elle obtient une réponse positive. « J'étais hyper contente et enthousiaste » commente-t-elle. La joie cède la place à la déception dès qu'elle se met à échanger avec le « propriétaire ». « Ils m'ont donné rendez-vous le samedi suivant pour une visite mais ils exigeaient que je verse deux mois de caution en amont de notre rencontre », raconte-t-elle. Sentant l'arnaque, elle entreprend des recherches sur le célèbre moteur de recherche et découvre le pot aux roses. De nombreux sites dénoncent cette façon de procéder. Ni une ni deux, Emma contacte la cyber gendarmerie pour signaler l'annonce et cesse tout échange avec le « propriétaire » de l'appartement. Avec son compagnon, ils poussent même l'investigation plus loin. « On est allé à l'adresse indiquée sur l'annonce et on a demandé aux voisins si l'appartement ressemblait bien aux photos du site. Ils nous ont tous gentiment ri au nez », sourit-elle.
L'avis du psy
Selon Nathalie Granier, psychologue – spécialiste des contenus cyber et des menaces, l'arnaqueur a ici joué sur deux biais. « Il utilise tout d'abord celui de la rareté. Sur la Côte d'Azur, où il est notoirement difficile de trouver un logement, la crainte de rater une opportunité incite les victimes à agir rapidement, sans prendre le temps de vérifier l'authenticité de l'offre. Dans ce cas, la demande de versement d'une caution a éveillé des soupçons chez la victime. Le second biais est la peur de la perte. L'escroc exploite cette peur en utilisant un appât (baiting) : de fausses promesses sont faites pour précipiter une décision. L'impulsivité joue un rôle important dans la cybercriminalité, car certaines personnes sont plus susceptibles de se livrer à des comportements à risque. Heureusement Emma n'en est pas arrivée là. »
Clothilde, victime de l'arnaque à l'abonnement Netflix : “J'ai agi par peur et dans l'urgence”
De son côté, Clothilde, la quarantaine, a, elle aussi, subi une cyber arnaque. « Je travaillais sur un évènement très prenant en Tunisie, et j'ai reçu un sms m'informant que mon paiement Netflix n'était pas passé. étant loin et dans le rush, j'ai cliqué dessus en me disant que mon conjoint n'allait pas pouvoir regarder sa série. Le site était très bien fait et j'y ai entré mon numéro de carte. Ils ont enregistré mes coordonnées bancaires et trois heures plus tard, un soi-disant conseiller bancaire m'a appelée en me disant qu'il voulait confirmer avec moi mes identifiants, en me questionnant sur le montant disponible sur mon compte ! S'il s'agissait vraiment de mon conseiller, il avait forcément accès à mon solde. J'ai donc contacté ma banque pour bloquer toute tentative d'hameçonnage. Quant à porter plainte, on m'a expliqué que ça ne servirait à rien. » Plus de peur que de mal, même si Clothilde admet avoir reçu une bonne dose d'adrénaline lorsque ça lui est arrivé. « Si j'avais été capable de lui dire combien j'avais sur mon compte, il aurait retiré l'intégralité. »
L'avis du psy
Nathalie Granier voit ici d'autres mécanismes d'arnaque : « Dans ce cas, les escrocs déclenchent également des émotions fortes, comme la peur et le sentiment d'urgence. La peur est une émotion primordiale qui active le système de survie de l'individu. Lorsqu'une personne est confrontée à une situation comme la possibilité de perdre une opportunité, ici l'abonnement, et le fait qu'elle ne puisse plus en bénéficier, la contrainte temporelle, ou l'urgence forcent le cerveau à basculer vers une prise de décision rapide, en activant la voie périphérique du traitement de l'information. Il est donc essentiel de ne jamais se précipiter pour se prémunir des arnaques de ce genre. »
Hervé, victime de l'arnaque à l'achat en ligne : “Je me suis fait avoir par excès de confiance et par manque de concentration”
Hervé, la soixantaine, a eu moins de chance. Alors qu'il jouait aux cartes avec des amis en vacances, son téléphone sonne. Au bout du fil, un jeune homme se faisant passer pour son conseiller bancaire lui explique qu'il va recevoir un code à lui communiquer, sous peu. Distrait, Hervé poursuit sa communication et transmet ledit code à « son banquier » qui écourte rapidement la conversation. Une fois qu'il a raccroché, Hervé se rend compte qu'il vient de recevoir un sms de confirmation pour un achat en ligne de plusieurs centaines d'euros. « J'ai alors réalisé la bêtise que je venais de faire et j'ai immédiatement appelé mon conseiller bancaire (le vrai cette fois) pour lui expliquer la situation et lui demander de faire opposition à cet achat. » Son banquier fait alors le nécessaire et quelques semaines plus tard, Hervé se voit créditer de la somme débitée par le faussaire.
L'avis du psy
« Dans le cas d'Hervé, nous observons une dynamique différente en raison de son âge », explique Nathalie Granier. De poursuivre : « Bien que 60 ans ne soit pas considéré comme un âge avancé, les personnes plus âgées ont souvent grandi dans des environnements où les institutions, telles que les banques ou les administrations, étaient perçues comme des sources fiables d'informations. Dans cette situation, Hervé a été affecté par une réduction de l'attention due à une activité multitâche. Le multitâche diminue la capacité de traitement approfondi et l'attention aux détails, ce que les escrocs exploitent souvent. »
Moralité : « Tout le monde peut être victime d'une escroquerie en ligne, car les déclencheurs varient d'une personne à l'autre. Se faire arnaquer provoque une grande anxiété et ébranle notre sentiment de sécurité. Les effets émotionnels et psychologiques sur les victimes peuvent inclure la honte, la colère voire la dépression, selon la nature du préjudice subi... Ces impacts peuvent affecter la santé mentale et physique des victimes, entraînant parfois solitude, isolement et changements de comportement. Mais, il faut savoir que grâce à un accompagnement psychologique, nous pouvons identifier et résoudre ces problèmes, en aidant les patients à développer des mécanismes d'adaptation plus sains et à réduire le risque de récidive. »
De nombreuses plateformes permettent de faire des signalements. On pense évidemment au site d'Orange Cybersecure, au 33700.fr joignable aussi par sms au 33700. Clothilde aurait pu contacter Netflix. Emma, quant à elle, a fait un signalement sur le site de Pharos. Enfin la CNIL propose de nombreuses informations utiles.