Une explosion des cas de sextorsion
En 2024, les signalements de sextorsion ont augmenté de 2,4 fois par rapport à 2023, atteignant 28 767 cas, selon l’Office des mineurs (Ofmin). Ces signalements sont transmis par les victimes ou automatiquement par les plateformes et moteurs de recherche (Google, Instagram, Meta, TikTok…) lorsqu’ils détectent des contenus sexuels impliquant des enfants.
La sextorsion est une forme de chantage dans laquelle le maître chanteur menace de publier des images sexuelles de la victime — essentiellement mineure — si celle-ci ne le paie pas ou n’envoie pas de nouvelles photos ou vidéos à caractère sexuel. Cette hausse significative est en partie attribuée à l'utilisation croissante des deepfakes pour piéger les victimes.
Les deepfakes, contenus synthétiques créés à l'aide de l'IA, permettent de superposer le visage d'une personne sur n’importe quelle image ou vidéo. Cette manipulation rend le contenu extrêmement réaliste, même si la victime n'a jamais participé à de telles activités.
Les cybercriminels exploitent ainsi ces technologies pour fabriquer de fausses preuves compromettantes et faire chanter leurs cibles.
Jusqu’à présent, pour obtenir des images à caractère sexuel, le manipulateur cherchait à entrer en contact avec sa victime sur les réseaux sociaux ou les jeux en ligne avec un faux profil. Il l’espionnait, passait ses publications et stories au peigne fin pour répondre au mieux à ses besoins, en se faisant passer pour un confident. C’est la phase de grooming.
Généralement, la cible est un garçon isolé, en mal-être ou en conflit. Une fois la confiance établie, le pédocriminel sexualise la relation : il demande à l’enfant des images à caractère sexuel ou l'incite à en échanger avec lui. Le sextorqueur utilise le secret, la culpabilité, voire la menace, pour maintenir l'enfant sous son contrôle et obtenir son silence.
Comme l’explique Typhaine Desbordes de l’Ofmin dans cette interview, les garçons sont davantage victimes de sextorsion à finalité lucrative : l'objectif du sextorqueur est de leur extorquer de l'argent, tandis que les jeunes filles sont majoritairement ciblées pour obtenir davantage de contenus pédopornographiques.
Mais depuis l’essor de l'IA, les auteurs n'ont plus besoin de la phase de grooming : n’importe qui peut s’en saisir.
Entre particuliers et réseaux criminels, l’IA à portée de tous
En décembre dernier, une femme de 26 ans a été arrêtée en Espagne pour avoir extorqué plus de 300 hommes. Elle utilisait des applications de retouche basées sur l'IA pour créer des images fictives d'elle-même, séduisait ses victimes en ligne, puis les menaçait de divulguer des images compromettantes si elles ne versaient pas d'argent. En huit mois, elle a ainsi accumulé 16 300 euros.
Les criminels peuvent également agir en réseau. En 2024, des témoignages ont révélé que des mafias chinoises séquestraient des Africains en Asie du Sud-Est pour les forcer à participer à des arnaques en ligne. Les victimes étaient contraintes de séduire des hommes occidentaux en ligne, utilisant notamment les deepfakes, afin de les escroquer via de faux investissements en cryptomonnaie. Ces opérations étaient menées depuis des centres de cybercriminalité au Laos et en Birmanie.
Cet été, la Corée du Sud a été confrontée à une prolifération de deepfakes pornographiques, touchant principalement les jeunes femmes. Des collectifs féministes ont manifesté à Séoul pour dénoncer ce phénomène, alimenté par des technologies basées sur l’IA.
Pour quelques centimes d’euros, les prédateurs utilisaient un bot Telegram coréen permettant, en un seul clic, de créer un deepfake pornographique de n’importe qui. Ce service avait été utilisé par près de 227 000 individus. Une "Deepfake Map" en ligne, recensant 632 établissements, a révélé que les écoles, lycées et universités étaient les principales cibles. À l’origine de ces créations et de leur diffusion malveillante : des adolescents ou de jeunes adultes.
Rappel : les réflexes pour se protéger ?
- Sécurisez vos comptes en ligne : utilisez des mots de passe complexes, activez la double authentification lorsque cela est possible et vérifiez les paramètres de confidentialité sur les réseaux sociaux.
- Ne cédez jamais au chantage : si vous êtes victime de sextorsion, coupez immédiatement le contact avec l'escroc et signalez l'incident aux autorités compétentes.
- Si un virement a été effectué et peut encore être annulé, contactez immédiatement votre banque.
- Si le contenu a été diffusé, signalez-le sur la plateforme gouvernementale de signalement PHAROS.
- Besoin d’aide ?
- Contactez l'association E-Enfance au 3018. Vous pouvez aussi installer leur application sur le téléphone de votre enfant, lui permettant d’accéder à une aide directe via un tchat.
- L’association France Victimes permet à toute personne qui s’estime victime d’une infraction d’être aidée par un professionnel, en temps réel dans le respect de son anonymat, en contactant le 116 006 (numéro gratuit ouvert 7 jours sur 7, 365 jours par an) - En cas d’arnaque financière, effectuez un signalement sur la plateforme gouvernementale THESEE.